La loi Lagleize, du nom de son rapporteur Jean-Luc Lagleize, député de la Haute-Garonne, vise à réformer en profondeur le marché immobilier en France. Cette proposition de loi, qui a été adoptée par l’Assemblée nationale en novembre 2019, entend faciliter l’accès à la propriété pour les ménages modestes et intermédiaires tout en limitant la hausse des prix du foncier. Décryptage de cette loi innovante et ses conséquences sur le secteur immobilier français.
Les principaux objectifs de la loi Lagleize
Le projet de loi Lagleize poursuit plusieurs objectifs principaux. Tout d’abord, il vise à faciliter l’accès à la propriété pour les ménages aux revenus modestes et intermédiaires, notamment en dissociant la propriété du bâti de celle du terrain. En effet, selon une étude publiée par l’Observatoire national de la politique de la ville (ONPV), le coût du foncier représente aujourd’hui près de 40% du prix total d’un logement en France, avec des disparités régionales importantes.
L’autre objectif majeur de cette réforme est de lutter contre la spéculation immobilière, qui contribue à la hausse des prix du foncier et donc à l’inaccessibilité au logement pour une partie croissante de la population française. Pour ce faire, la loi Lagleize propose de mettre en place des dispositifs incitatifs pour les collectivités territoriales à agir contre la rétention foncière et à favoriser la construction de logements abordables.
Les principales mesures de la loi Lagleize
Pour atteindre ces objectifs, la loi Lagleize prévoit plusieurs mesures phares. La première est la création d’un nouveau statut juridique, celui de l’Organisme de foncier solidaire (OFS). Un OFS est une structure publique ou privée à but non lucratif, chargée d’acquérir et de gérer des terrains en vue de les céder en emphytéose aux particuliers ou aux promoteurs immobiliers. L’emphytéose est un contrat par lequel le propriétaire d’un terrain concède à une autre personne le droit d’y construire ou d’y planter des arbres pour une durée déterminée, moyennant le paiement d’une redevance.
Le deuxième volet important de cette réforme consiste à dissocier la propriété du bâti de celle du terrain. En effet, l’OFS reste propriétaire du terrain, tandis que l’acquéreur devient propriétaire du bâti. Cette dissociation permet ainsi de réduire considérablement le coût d’acquisition pour les ménages modestes et intermédiaires. Il faut souligner que ce mécanisme n’est pas totalement inédit : il s’inspire notamment des Community Land Trusts (CLT), qui ont vu le jour dans les années 1960 aux États-Unis et ont été développés en Europe, notamment en Belgique et au Royaume-Uni.
Enfin, la loi Lagleize prévoit également des mesures incitatives pour les collectivités territoriales à favoriser la construction de logements abordables. Parmi elles, on peut citer la création d’un fonds de dotation pour soutenir les projets des OFS, la possibilité pour les communes de majorer la taxe d’aménagement sur les terrains constructibles non bâtis ou encore l’instauration d’un droit de préemption renforcé pour les OFS sur les cessions de terrains publics.
Les implications de la loi Lagleize pour le marché immobilier français
Si elle est adoptée définitivement, la loi Lagleize pourrait avoir des conséquences significatives sur le marché immobilier français. Tout d’abord, elle devrait permettre d’élargir l’accès à la propriété à des ménages qui n’en avaient pas forcément les moyens jusqu’à présent. En réduisant le coût du foncier, cette réforme devrait en effet contribuer à rendre plus attractive l’acquisition immobilière pour ces ménages.
Par ailleurs, en mettant en place un cadre juridique et fiscal favorable aux OFS et aux projets de logements abordables, la loi Lagleize encourage la construction de logements sociaux. Cette dynamique pourrait contribuer à répondre à une demande croissante en matière de logement social en France, notamment dans les zones tendues.
Enfin, en luttant contre la spéculation immobilière et en incitant les collectivités territoriales à libérer du foncier constructible, la loi Lagleize participe à la régulation du marché immobilier. Cette réforme pourrait ainsi contribuer à limiter la hausse des prix du foncier et à favoriser une meilleure répartition des logements sur le territoire français.
Les défis à relever pour assurer le succès de la loi Lagleize
Néanmoins, plusieurs défis restent à surmonter pour garantir le succès de cette réforme. Tout d’abord, il est important que les collectivités territoriales s’approprient pleinement ces nouveaux outils juridiques et financiers que sont les OFS et les mesures incitatives prévues par la loi. En effet, leur engagement sera déterminant pour favoriser la libération du foncier et la construction de logements abordables.
De plus, il convient de souligner que le système de dissociation entre bâti et terrain proposé par la loi Lagleize peut susciter certaines réticences de la part des acquéreurs potentiels. En effet, certains pourraient voir cette dissociation comme une atteinte à leur droit de propriété ou craindre des contraintes liées au statut d’emphytéote. Il sera donc essentiel d’accompagner ces ménages dans leur démarche et de les informer sur les avantages qu’ils peuvent tirer de ce nouveau dispositif.
En somme, si elle est bien mise en œuvre et accompagnée, la loi Lagleize peut constituer une véritable révolution pour le marché immobilier français. En facilitant l’accès à la propriété pour les ménages modestes et intermédiaires, en limitant la hausse des prix du foncier et en favorisant la construction de logements abordables, cette réforme a le potentiel de renforcer l’équité et la mixité sociale sur notre territoire.