La vente à la découpe en copropriété : un encadrement juridique renforcé pour protéger les locataires

La vente à la découpe en copropriété : un encadrement juridique renforcé pour protéger les locataires

Face à la multiplication des opérations de vente à la découpe en copropriété, le législateur a progressivement renforcé l’arsenal juridique pour protéger les locataires. Entre droit de préemption, encadrement des congés pour vente et obligations d’information, le cadre légal s’est considérablement étoffé ces dernières années. Décryptage des principales dispositions en vigueur.

1. Définition et enjeux de la vente à la découpe

La vente à la découpe désigne l’opération par laquelle un propriétaire d’un immeuble entier décide de le vendre lot par lot, généralement après avoir mis fin aux baux en cours. Cette pratique, qui s’est développée dans les années 1980, vise à maximiser la rentabilité d’un bien immobilier en le revendant par appartements plutôt qu’en bloc.

Les enjeux sont importants, tant pour les propriétaires qui cherchent à valoriser leur patrimoine que pour les locataires qui risquent de se retrouver sans logement. Face à ces intérêts divergents, le législateur a dû intervenir pour encadrer ces opérations et protéger les occupants, notamment dans les zones tendues où le marché immobilier est particulièrement tendu.

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2. Le droit de préemption du locataire : une protection renforcée

L’un des principaux dispositifs mis en place pour protéger les locataires est le droit de préemption. Instauré par la loi du 31 décembre 1975, ce droit permet au locataire d’acheter en priorité le logement qu’il occupe lorsque le propriétaire décide de le vendre.

Le droit de préemption s’applique dans deux cas de figure :

– Lors de la première vente consécutive à la division de l’immeuble par lots

– Lors de la vente d’un lot occupé à la suite d’une mise en copropriété

Le propriétaire doit notifier au locataire son intention de vendre par lettre recommandée avec accusé de réception. Cette notification doit contenir le prix et les conditions de la vente projetée. Le locataire dispose alors d’un délai de deux mois pour accepter l’offre. S’il accepte, il bénéficie d’un délai supplémentaire de deux mois pour réaliser la vente.

3. L’encadrement des congés pour vente : une protection contre les expulsions abusives

Pour éviter que les propriétaires ne contournent le droit de préemption en donnant massivement congé à leurs locataires, le législateur a progressivement encadré les congés pour vente.

La loi ALUR du 24 mars 2014 a notamment introduit plusieurs dispositions protectrices :

– Le congé pour vente ne peut être délivré qu’à l’échéance du bail et moyennant un préavis de six mois

– Le propriétaire doit justifier du caractère réel et sérieux de sa décision de vendre

– Le congé doit indiquer le prix et les conditions de la vente projetée

– Le locataire bénéficie d’un droit de préemption pendant toute la durée du préavis

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De plus, la loi Elan du 23 novembre 2018 a renforcé la protection des locataires âgés ou en situation de handicap en interdisant les congés pour vente à leur encontre, sauf à leur proposer un relogement correspondant à leurs besoins.

4. Les obligations d’information : garantir la transparence des opérations

Pour assurer la transparence des opérations de vente à la découpe, le législateur a imposé plusieurs obligations d’information aux propriétaires.

Ainsi, lorsqu’un bailleur envisage une vente par lots de plus de cinq logements dans le même immeuble, il doit en informer chaque locataire par lettre recommandée avec accusé de réception. Cette information doit intervenir au moins six mois avant la mise en vente et préciser :

– Le nombre de logements mis en vente

– Le prix de vente de chaque logement

– Les conditions de réalisation de la vente

Par ailleurs, le propriétaire doit joindre à cette notification un projet de règlement de copropriété qui répartit les charges entre les copropriétaires.

5. Le rôle des collectivités locales : un acteur clé de la régulation

Face à la multiplication des opérations de vente à la découpe, les collectivités locales ont été progressivement dotées de nouveaux outils pour réguler ces pratiques sur leur territoire.

La loi SRU du 13 décembre 2000 a notamment instauré un droit de préemption urbain renforcé permettant aux communes d’intervenir sur les ventes d’immeubles entiers. Ce droit leur permet d’acquérir en priorité des immeubles mis en vente, afin de maintenir une offre de logements locatifs abordables.

Plus récemment, la loi Climat et Résilience du 22 août 2021 a renforcé les pouvoirs des maires en leur permettant de s’opposer à certaines opérations de vente à la découpe dans les zones tendues. Le maire peut ainsi suspendre l’autorisation de mise en copropriété pendant une durée maximale de cinq ans, s’il estime que l’opération risque de compromettre le maintien et la diversité de l’habitat dans la commune.

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6. Les sanctions en cas de non-respect de la réglementation

Pour garantir l’effectivité de ces dispositions, le législateur a prévu un arsenal de sanctions en cas de non-respect de la réglementation.

Ainsi, le non-respect du droit de préemption du locataire peut entraîner la nullité de la vente. De même, un congé pour vente irrégulier peut être annulé par le juge, permettant au locataire de se maintenir dans les lieux.

Par ailleurs, les propriétaires qui ne respecteraient pas leurs obligations d’information s’exposent à des sanctions pénales. L’article L.651-2 du Code de la construction et de l’habitation prévoit ainsi une amende de 6 000 euros pour les personnes physiques et de 30 000 euros pour les personnes morales en cas de non-respect des dispositions relatives à la vente à la découpe.

L’encadrement juridique de la vente à la découpe en copropriété s’est considérablement renforcé ces dernières années, offrant une meilleure protection aux locataires face aux risques d’expulsion. Entre droit de préemption, encadrement des congés pour vente et obligations d’information, le législateur a cherché à concilier les intérêts des propriétaires et des locataires. Les collectivités locales jouent désormais un rôle croissant dans la régulation de ces pratiques, contribuant à maintenir une offre de logements diversifiée dans les zones tendues.